Carême 2017 :
se laisser réveiller
par les cris du monde
Aujourd’hui, à travers l’actualité, les médias,
notre quotidien est envahi, de toutes parts, de cris. De cris de souffrance, de
douleur, de peur, de revendication, de mécontentement, des cris de joie, des
clameurs. Le cri des êtres humains en souffrance résonne en nous et vient
interroger la possibilité même de croire. C’est aussi un cri qui nous réveille
au cœur de la nuit. Soyons responsables.

Il vient toucher en nous la fragilité : fragilité de l’humanité, fragilité
personnelle. Certains cris peuvent nous faire perdre l’équilibre, physique ou
intérieur. Cri de l’enfant qui vient au monde, dans la plongée dans l’inconnu :
cri de la vie qui s’ouvre… Cri de l’homme ou de la femme qui meurt, sous le
coup de la violence aveugle.
C’est toujours le cri de la vie et le cri de la mort. Nous sommes tous
entre la mort et la vie.
Quand la Bible évoque un Dieu qui « a entendu le cri de son peuple » (Livre
de l’Exode 3, 7), elle parle d’un Dieu qui est touché, en son être, par la
clameur des hommes, femmes et enfants, réduits à l’état d’esclaves, à bout de
forces. Le cri des esclaves a traversé toutes les distances jusqu’à atteindre
le cœur de Dieu. La clameur des vivants, dans cet ultime appel « fait sortir »
Dieu lui-même : « Je suis descendu pour le délivrer » (Exode 3,8).
La clameur des plus pauvres, esclaves aujourd’hui d’un système de développement
qui les arrache à leur terre, à leurs proches, à leurs traditions… cette
clameur nous touche-t-elle encore ou sommes-nous résignés ? Ils sont pourtant
si proches de nous, sur cette terre devenue « petite » et « fragile ».
Leur cri – qui ne trouve plus toujours les mots pour dire ce qu’ils
ressentent – peut-il interroger le pouvoir de ceux qui dirigent le monde et
notre conscience de citoyens du monde, notre conscience de frères ?
La clameur de la terre, elle-même épuisée, en de nombreux lieux, par une exploitation et une
instrumentalisation des ressources et des possibilités, atteindra-t-elle notre
intelligence et notre liberté pour que nous apprenions enfin le soin et la
sauvegarde de la vie, sous toutes ses formes : l’eau, l’environnement, la
terre, le climat ? Ecouter la clameur de la terre, c’est écouter la clameur des
pauvres (cf. François « Laudato si » n°49).
La clameur des migrants, contraints d’abandonner les lieux de leur mémoire et de leurs racines
communautaires, nous interroge et nous désinstalle. Elle nous rappelle à notre
condition de « passager » sur la terre. Mais elle nous appelle à considérer
l’autre comme une chance et non comme une menace.
Le cri des victimes – et le cri de ceux qui se sont enfermés dans la
violence - éclaire, de manière forte, les deux chemins qui
sont toujours devant nous : le « chemin de la vie » et le « chemin de la mort
». Et il en appelle à notre liberté : «choisis le chemin de la vie»
(Livre du Deutéronome 30, 19). Prends l’initiative du soin de la vie : « Fais
aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent » (cf. Évangile selon St
Matthieu 7, 12).
Bruno-Marie DUFFE
aumônier national du CCFD
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