10 juin 2021

PARTAGE 184 - EDITO : OUI A L'URGENCE DE LA FRATERNITE


OUI A L’URGENCE DE LA FRATERNITE



Quelles que soient nos convictions, la fin de vie est un temps que nous vivrons tous. C’est une inquiétude que nous partageons. Chacun doit donc pouvoir y réfléchir le plus sereinement possible, en évitant les écueils des passions et des pressions.

En ce printemps 2021, alors que notre pays est toujours préoccupé par la pandémie du coronavirus, certains députés voudraient, dans l’urgence, légiférer à nouveau sur « l’aide médicale à mourir ».

Pourtant depuis une quarantaine d’années la prise en charge de la douleur et de la fin de vie s’est considérablement améliorée dans les hôpitaux et en médecine de ville grâce, notamment, à de nouveaux médicaments et aussi au développement des soins palliatifs. Depuis 2016 la loi Léonetti Claeys, autorisant une sédation profonde et continue, jusqu'au décès pour les patients incurables et en grande souffrance, permet une prise en charge responsable et collégiale de la part des soignants, pour garantir une fin de vie apaisée. Ces soins sont malheureusement encore insuffisamment appliqués par manque de moyens humains et matériels, et souvent assez mal connus du public. Il est urgent de combattre cette ignorance, source de peurs qui ne sont jamais bonnes conseillères et dont s’abreuvent les sondages.

L'opinion publique est très clairement favorable à ce que la réglementation évolue. La question de beaucoup de personnes est : va-t-on avoir le droit de choisir sa mort ? Il s’agit d’un droit et non d’une obligation. L’idée étant que chacun fasse comme il veut pour ce qui le concerne lui-même.

Pour nous chrétiens il ne s’agit pas d’imposer nos choix de fin de vie aux autres. Il est important de réaffirmer notre pleine compassion envers nos frères et sœurs en « fin de vie », qui se présentent dans leur faiblesse, parfois extrême. Mais leur existence est un appel : de quelle humanité, de quelle attention, de quelle sollicitude faisons-nous preuve envers eux qui vivent au milieu de nous ?




Beaucoup de soignants sont engagés, souvent avec de fortes convictions personnelles, en soins palliatifs. D’autres accompagnent, écoutent et aident à se relever celles et ceux à qui la dépression fait perdre toute envie de vivre.

Mais il se profile une société où l'individu prend une place de plus en plus forte par rapport au collectif. La liberté de choix est revendiquée. Très vite se posera la question du suicide : devra-t-on le prévenir ou l’accompagner ?

Il est tentant de ne pas vouloir imposer sa souffrance ou sa dépendance aux autres. Certains voudront éviter à leur entourage des jours de souffrance et d'angoisse qui leur semblent inutiles lorsque l'issue finale est annoncée. Pourtant les témoignages sont nombreux de liens familiaux resserrés grâce à l’accompagnement d’un parent en fin de vie. Pensons aussi à l’immense souffrance exprimée par de nombreuses personnes de n’avoir pu dire un dernier au revoir à leurs proches dans les hôpitaux ou les Ehpad pendant cette pandémie.

En toute humilité nous osons dire que la foi chrétienne nous a appris que toute personne, quelle que soit sa situation, est digne. Notre regard doit permettre à chacun de prendre conscience de sa dignité. « Nul ne vit pour soi-même et ne meurt pour soi-même » nous dit Saint Paul (Rm 14, 7). Qui n’a pas compris cela, qui imagine vivre par soi-même et pour soi-même, nie la dimension relationnelle de notre être. C’est notre humanité personnelle, notre regard sur les autres, notre compassion envers ceux qui souffrent, qui contribuent à construire, en France, une société toujours plus fraternelle où nous prendrons individuellement et collectivement soin les uns des autres.

Aurore Oliveira - Michaël Lemogne

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