23 septembre 2017

ACAT

CORRESPONDRE AVEC UN PRISONNIER DANS LES COULOIRS DE LA MORT AUX ETATS UNIS

Odile Lemogne, membre de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), correspond depuis 12 ans avec un condamné à mort aux États Unis.
Nous lui avons demandé de nous partager son expérience.

Quelles étaient vos motivations lorsque vous avez voulu correspondre?
O : En tant que membre de l’ACAT, j’étais au courant des actions proposées aux volontaires. La solitude des personnes attendant dans les couloirs de la mort aux EU qu’on leur dise, au bout de très longues années, quel jour ils allaient être exécutés, cette solitude et cette attente me paraissent une terrible forme de torture et me révoltent.


à quelle fréquence correspondez-vous et comment se passent vos échanges? De quoi parlez-vous?
O : De façon assez régulière tous les mois environ. Nous avons appris à nous connaître en parlant de nos vies respectives, de notre foi, de nos convictions, de nos préférences en littérature et en peinture. Peu à peu il s’est confié, me révélant des événements douloureux de sa vie, me parlant de ce qui l’avait amené en prison. Et sa foi et la lecture de la Bible l’aidaient à faire confiance à Dieu et à garder courage.
Il me parle de sa maman qui vit en Haïti et dont il est le fils unique. Je lui parle de mon mari, de mes enfants et de mes petits-enfants. Il les « connait ». Il tenait beaucoup à apprendre les naissances de mes petits-enfants au fur et à mesure qu’ils se sont annoncés. Je lui envoie des photos et aussi celles de nos vacances et de nos voyages. Il aime beaucoup et cela lui fait du bien. Il se sent un peu de la famille. Il me dit souvent que je suis très importante pour lui et que cela lui réchauffe le cœur de m’avoir comme amie. Quand j’ai de la peine, je peux lui en parler et je sais que je peux compter sur ses prières comme lui sur les miennes.


Parlez-nous de sa vie dans les couloirs de la mort.
O :  Sa vie se limite presque à sa petite cellule. Il peut, une fois par semaine, aller faire des exercices de sport dans ce qu’il appelle « la cage » : c’est une cour à l’extérieur mais cernée de murs et entièrement grillagée, y compris au-dessus de lui.
Il peut lire, méditer la Bible, étudier les recours possibles au niveau de sa situation judiciaire et éventuellement donner un coup de main dans ce domaine à d’autres détenus.
Il écrit, téléphone à sa maman, et deux fois par an environ il m’appelle.


Pouvez-vous nous dire ce que vous tirez de cet échange?
Cela m’apporte des liens d’amitié très solides, la sensation de lui être réellement utile, un exemple de courage dans la confiance et la prière au Seigneur.
Je suis aussi en lien avec sa maman. Je lui écris de temps en temps, et elle m’a déjà répondu avec beaucoup d’amitié et de reconnaissance.


A-t-il déjà eu une date d’exécution?
O : Il a déjà eu une date d’exécution reportée « la veille »(!) pour cause de droit à des recours.


Quel est son avenir? Qu’espère-t-il?
O : Il espère peut-être sortir un jour. Je veux y croire. Dans l’État où il est incarcéré, il y a toujours des condamnations à mort mais depuis plusieurs années cet État n’exécute plus les prisonniers en leur accordant des sursis.
Peut-être un jour cet État fera-t-il partie de ceux qui ont aboli la peine de mort?
Mais quel avenir… emprisonné à vie. Arrêté à 19 ans, il va avoir 43 ans cette année.
L’abolition ne suffit pas, il faut pouvoir envisager une libération. 24 ans en prison, les plus belles années de sa vie. Quel qu’ait été le motif, la punition est monstrueuse, disproportionnée et doit cesser.



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