MON ENGAGEMENT
D’AUMÔNIER
Le 15 août 2008, j’ai été victime
d’un terrible accident de la route. J’étais allé à Tréguier en Bretagne pour y
effectuer un audit de la sonorisation de la cathédrale. Sur la route du retour,
j’effectue trois tonneaux, ma voiture est totalement brisée. Je suis alors transféré
au CHU de Rennes. Durant les deux semaines d’hospitalisation, j’ai eu plusieurs
visites notamment celle de Danièle, femme appartenant à l’équipe d’aumônerie, ainsi
que celle de l’archiprêtre de Tréguier, le père Philippe Roche. Tous les deux m’ont
apporté un réconfort moral et surtout spirituel, car ils ont ainsi manifesté la
présence du Christ auprès de moi. L’Onction des Malades m’a été donnée.
Je suis ensuite rapatrié au
Centre Médical Jacques Arnaud à Bouffémont. C’est une chance d’être dans sa
propre commune. Un aumônier est aussi souvent venu à ma rencontre, il s’agit
d’Yves Allaire. J’ai passé onze mois dans cet établissement. J’ai pu y rencontrer
des malades, des accidentés de la vie, certains s’en sortent, d’autres pas.
J’ai pu observer de l’intérieur ce monde des malades, des handicapés, avec
leurs souffrances physiques provoquant souvent des souffrances morales et
psychiques. J’ai beaucoup discuté avec des jeunes. J’ai senti, comme pour moi,
leur besoin de parler et surtout d’être écoutés.
J’ai compris alors, une fois
remis sur mes jambes, une fois « remis debout » qu’il me fallait à
mon tour aller à leur rencontre.
L’homme est un être
vivant,
- Biologique car il a un corps qui lui permet d’exister, d’être visible
- Psychologique, car il a un esprit qui lui permet de penser, de parler, de communiquer, d’avoir des sentiments.
- Socio-culturel car il est capable d’établir des relations avec les autres, de vivre en société.
- Spirituel, car il cherche un sens à son existence, il est capable de prier.
Une infirmière américaine,
Virginia Henderson, a déterminé 14 besoins fondamentaux chez l’Homme, chaque
besoin étant considéré selon les quatre composantes précédentes. Parmi ces
besoins, il nous faut aujourd’hui retenir celui « d’agir selon ses
croyances et ses valeurs » Ce besoin est défini (je la cite) « par le
besoin de chercher à clarifier ses croyances, ses valeurs, afin de favoriser la
réalisation de soi et le développement personnel et pouvoir pratiquer sa
religion ».
- Le malade ou la personne handicapée, est un être qui a les mêmes besoins que nous mais dont la maladie ou le handicape vient les perturber et en exacerber quelques-uns.
- Le malade ou la personne handicapée a un passé, un présent et un avenir souvent obscurci ou diminué par la maladie ou le handicap.
- C’est une personne avec des liens relationnels, familiaux, sociaux et parfois encore professionnels.
- C’est encore une personne qui a des convictions, des valeurs et qui entend bien qu’on les respecte
- C’est avant tout un être unique.
- C’est une personne pour qui le spirituel est une dimension constitutive de l’être humain. Elle a besoin d’un espace à l’intérieur d’elle-même, où elle peut s’interroger sur le sens de la vie, le sens de sa présence au monde, de sa relation avec une transcendance, quel que soit le nom qu’on lui donne
Un aumônier
c’est donc une personne qui va la rencontre de quelqu’un qui vit un moment
difficile de son existence et que la maladie ou le handicap a fragilisé,
parfois temporairement, parfois définitivement. Il est à l’écoute de l’autre. L’aumônier
écoute beaucoup et parle peu. Le premier service dont je suis redevable à
l’autre en tant qu’aumônier, c’est de l’écouter. C’est aller à la rencontre de
l’autre, tel qu’il est, là où il en est. Il est un autre langage que le verbal.
Dans de nombreuses circonstances, le langage du corps prendra une place
prépondérante, privilégiée, dans le processus de communication avec l’autre.
Respecter aussi les temps de silence, oser répondre à un silence par un silence
car il est rarement vide
Après avoir
suivi, plusieurs formations, la FIAM (Formation Initiale à l’Accompagnement des
Malades) et la FIPAH (Formation Initiale Provinciale des Aumôniers d’Hôpitaux),
j’ai intégré l’équipe d’aumônerie de l’Hôpital Simone Veil, à Eaubonne. Je
poursuis actuellement ma formation dans le domaine de la Santé Mentale. C’est
une dimension nouvelle pour moi. Le monde de la psychiatrie est un monde
difficile. Dans cet univers, l’aumônier a une mission de « soin » et
de présence à travers l’accueil de la personne fragilisée et relevant de soins
psychiatriques. Mais ce soin est si particulier. Il nécessite une écoute
attentive à l’intégrité et à la dignité de chacun, écoute qui reconnaît en
chaque homme un enfant de Dieu, donc ayant
un chemin spirituel. Hervé Renaudin, ancien aumônier et ancien évêque de
Pontoise, nous a rappelé que « La langue de la parole de Dieu, celle
dans laquelle Dieu s’exprime, c’est l’homme. Dieu parle l’homme, Il parle
l’humain. » Dans ce domaine, tout particulièrement, nous pouvons voir,
au-delà de chaque malade, la beauté que recèle tout un chacun dans son être
profond.
Pour le personnaliste que je suis, c’est le respect de la dignité de la personne qui doit me guider. Pour Emmanuel Mounier, fondateur du Personnalisme, « Pour le Christ, la manière de prendre soin des malades, des êtres en souffrance physique et mentale, s’effectue toujours dans le cadre d’une rencontre entre personnes, en l’occurrence le thérapeute, et le patient ou par le biais de son porte-parole. » Pour Paul Ricœur, « L’homme est un esprit qui habite son corps et il est un corps habité par l’esprit. » En d’autres termes, l’esprit vit en l’homme et s’exprime dans son corps. Lorsque je rencontre B. ou d’autres handicapés qui ont du mal à s’exprimer ou pour qui la parole est totalement absente, lorsque j’ai du mal avec les mots, lorsque la raison manque, je me souviens d’Emmanuel Lévinas qui nous dit qu’il reste le visage et son « dire » qui nous parle à l’infini. Il reste le langage du corps et celui du cœur. Ce n’est pas la raison qui fait l’humanité de la personne, c’est son cœur, son visage et ce qu’il dit du cœur caché qui bat. Derrière leurs visages, parfois déformés par leur handicap, les résidents, nous montrent des êtres humains d’une grande dignité. Ces visages nous sont offerts, ils sont vulnérables, ils portent leur fragilité, leur vulnérabilité, leur violence intérieure mais en même temps leur force, leur cœur. C’est le mystère de la personne qui se survit, comme dans un « Autrement qu’être » selon l’expression chère à Emmanuel Lévinas.
Être aumônier c’est aussi avoir conscience que ma mission se vit dans le cadre de la Pastorale de la Santé. C’est la raison pour laquelle, ma mission m’est donnée par l’évêque, Mgr Riocreux. C’est une mission d’Église « Viens suis moi » nous dit Matthieu 19,21. Être aumônier, c’est aller à la rencontre de l’autre, en humanité. La rencontre à l’autre n’est pas sans risques. La rencontre parfois nous invite à nous changer nous-mêmes. Mais dans le cas d’une rencontre en tant qu’aumônier, le risque mérite d’être pris car il est source d’enrichissements. Le risque aussi c’est que l’autre soit aussi enrichi par cette rencontre.
Aujourd’hui, je suis envoyé en mission au Foyer Louis Fievet à Bouffémont et la nouvelle maison pour personnes âgées Le Mesnil.
Je rends grâce au Seigneur, qui m’a appelé et donné le pouvoir de témoigner, à mon tour de sa présence auprès des malades et handicapés. Enfin, je remercie Nadège, mon épouse qui me soutient indéfectiblement dans cette voie.
Daniel Bournas
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